Relations

Famille

Le concept de famille va au-delà de la famille nucléaire telle que la conçoivent de nombreuses sociétés occidentales. Morrisseau dépeint sa propre famille nucléaire, mais ses œuvres élargissent aussi la portée du concept à tous les êtres vivants. Morrisseau représente souvent la Terre-Mère et se situe parfois en relation avec elle. 

Morrisseau, Artist as Child: Self representation of Morrisseau as a fetus in Womb (Mother Earth), 1976.

Les Ojibway croient que la Terre est leur mère et que nous sommes ses enfants.

Norval Morrisseau, Legends of My People: The Great Ojibway, Toronto, McGraw-Hill Ryerson, 1965, p. 15.
Logan Fiddler, l’arrière-petit-fils de Norval Morrisseau, lit en anglais une citation de ce dernier en 2023.

L’autoreprésentation de Morrisseau sous la forme d’un fœtus dans le ventre de la Terre-Mère date de 1976. Elle exprime son rapport à l’univers et sa compréhension du monde comme notre mère.

Au cours des années 1970, Morrisseau se peint souvent en contact avec la Terre-Mère.

Dans cette toile, l’artiste se sert à la fois du bleu clair et du bleu plus foncé pour marquer son caractère spirituel. Le fœtus enlace des cadeaux spirituels dans ses bras.

Transcription de la note de Morrisseau, rédigée au crayon de plomb au verso de Spiritual Child (in Womb of Mother Earth)

Artiste – vision intérieure de lui-même 
Où il se projette  
Comme un enfant spirituel ou un fils spirituel. 
Du grand et puissant ventre cosmique.
Le 20 mars 1976 
Étude de soi 
En réalité.  Tu dis 
J’ai en effet  
Avancé dans ma réflexion  
Atteint un niveau spirituel  
Supérieur au tien il y a 3 ans— 

Merci ma puissance supérieure

    Cette œuvre de 1973 est une autoreprésentation de l’artiste dans son environnement. Lors de sa vente en 1977 à Montréal, l’œuvre est intitulée Wheel of Life. La sphère rappelle une œuvre que Morrisseau a peinte de lui dans l’utérus de la Terre-Mère. 

    Norval Morrisseau, The Artist and His Environment or Wheel of Life, 1973.

    Norval Morrisseau, Artist in Union with Mother Earth, 1972.
     

    Dans Artist in Union with Mother Earth, l’artiste présente un coït de corps enlacés en forme circulaire. Morrisseau associe ainsi son corps à la fertilité de tous les êtres vivants – la Terre-Mère – de façon à transmettre le rapport des liens familiaux comme un tout. 

    Le conservateur Greg Hill a installé ces trois œuvres d'art l'une à côté de l'autre dans l'exposition rétrospective de Morrisseau afin de susciter des conversations visuelles sur la terre et l'eau en tant que relations avec les êtres humains.

    Terre-Mère

    En 1966, parmi ses premières représentations de la Terre-Mère, Morrisseau situe la figure sacrée au centre de la composition, entourée de cinq faisceaux circulaires. Elle est parée d’ornements sacrés et ses seins apparaissent en rouge et blanc pour souligner leur rôle nourricier essentiel à tous les êtres vivants.

    L’œuvre correspond à l’époque où Morrisseau conçoit la murale du mur extérieur du pavillon des Indiens du Canada à l’Expo 67.

    Norval Morrisseau, Mother Earth, 1966.

    Murale du pavillon des Indiens du Canada à l'Expo 67, Montréal. Photo autorisée par la Kinsman Robinson Gallery, Toronto, ON.

    Son projet représentait la Terre-Mère allaitant un ourson et un jeune garçon. Les responsables gouvernementaux censurent le design de la murale pour le pavillon de l’Expo et Morrisseau quitte le projet en guise de protestation. La murale est achevée par Carl Ray (l’assistant de Morrisseau sur le projet), qui présente une image plus acceptable pour le gouvernement canadien de l’époque.

    La murale du pavillon des Indiens du Canada d’Expo 67 a été achevée dans sa forme censurée par Carl Ray, puis détruite lors du démantèlement de l’Expo 67. Cette photo, prise par Ray, montre la dédicace de Morrisseau à son grand-père, Moses Potan Nanakonagos. 

    Cette version de la Terre-Mère, réalisée plus de vingt ans après les débuts professionnels de l’artiste, illustre l’évolution de la palette de couleurs de Morrisseau. La toile se divise entre des zones de jaune – une couleur qui reflète les enseignements d’Eckankar – et un bleu clair, une couleur spirituelle pour Morrisseau. Les fonds jaune et bleu reflètent une dualité : ils symbolisent les liens entre notre monde et le monde spirituel. 

    Tous les êtres vivants se trouvent reliés par des lignes noires et des couleurs vives. 

    Norval Morrisseau, Mother Earth, 1985.

    Norval Morrisseau, Christ Subservant To Mother Earth, 1975.

    Morrisseau illustre le Christ qui se nourrit du sein de la Terre-Mère. Il établit ainsi un lien entre les systèmes de croyances anishinaabe et chrétien. La figure circulaire représente la Terre-Mère avec un sein tendu vers le Christ, lui-même dépeint dans un cercle connecté. Morrisseau exprime ainsi sa conception de la relation ou encore de la parenté qui rassemble tous les êtres spirituels et vivants. Cette toile, réalisée pour une exposition à la Galerie Dominion de Montréal en 1975, compte parmi d’autres œuvres de Morrisseau comportant des empreintes de mains. 

      Norval Morrisseau, Androgyny, 1983.

      Androgyny célèbre la vie. Morrisseau a peint cette grande murale pour promouvoir les liens qui unissent tous les êtres vivants et pour rappeler à la population canadienne de prendre soin de la Terre et de tous les êtres vivants. En 1983, Morrisseau a contacté le premier ministre de l’époque, Pierre Trudeau, pour offrir cette œuvre à toute la société canadienne. Or, pendant vingt ans, l’œuvre a croupi dans le hall d’entrée du bâtiment qui abrite les Affaires indiennes, sans véritable reconnaissance de la généreuse offrande.  

      L’étroite relation entre Morrisseau et son grand-père maternel, Moses Potan Nanakonagos, se reflète dans les nombreux récits et les savoirs transmis par ce dernier, dont une grande partie est consignée dans son livre Legends of My People: The Great Ojibway (1965). 

      Tout au long de sa carrière, Morrisseau peint son grand-père et d’autres membres de sa famille, notamment sa femme, ses enfants et ses petits-enfants. 

      Mon grand-père a été la personne la plus influente de toute ma vie. Il était un homme de mythes, un chaman.

      Norval Morrisseau, Art of Norval Morrisseau, 1979, p. 41.
      Logan Fiddler, l’arrière-petit-fils de Norval Morrisseau, lit en anglais une citation de ce dernier en 2023.

      Mon grand-père a été le premier à croire en moi. 

      Norval Morrisseau, Art of Norval Morrisseau, 1979, p. 46.

      Cette œuvre exprime les changements dans les idées spirituelles de Morrisseau. Le panneau de gauche illustre son grand-père, Moses Potan Nanakonagos, qui incarne le mino bimaadiziwin, c’est-à-dire le concept de « vivre une bonne vie ». Séparé de son grand-père dans le panneau de droite, le jeune Morrisseau lui explique respectueusement ses liens avec tous les êtres vivants, mais grâce à de nouveaux enseignements spirituels qui apparaissent dans la partie supérieure droite du panneau. Ces êtres sont reliés à la main tendue de l'artiste par une ligne qui conceptualise son acceptation des enseignements d'Eckankar - communiquée clairement par l'inclusion d'un faisceau d'énergie circulaire avec le mantra Eckist HU.

      Norval Morrisseau, The Storyteller: The Artist and His Grandfather, 1978.

      Le grand-père maternel de Morrisseau, Moses Potan Nanakonagos, le père de sa mère, Grace, était un chaman Mide et un important modèle à suivre, qui lui a transmis des enseignements et des récits. 

      Ce dessin, réalisé vers la fin de la carrière de Morrisseau, illustre encore une fois son recours au trait pour communiquer l’art du conte intergénérationnel.

      Norval Morrisseau, Grandfather Sharing Stories with All Living Beings, 1989.
       

      Norval Morrisseau, Sacred Medicine Bear, 1974.
       

      Cette toile d’un ours sacré comporte aussi un thème familial. Morrisseau recourt à son langage visuel pour peindre un ours sacré qui renvoie à une histoire que son grand-père Moses Potan Nanakonagos lui a racontée au sujet de son ancêtre, Little Grouse.

      L’ours sacré occupe une place centrale dans la vie de Morrisseau, car il lui est apparu dans sa quête de vision.

      Mon grand-père paternel était Little Grouse (Petite Gélinotte) et, au cours de son année de jeûne, il a fait un grand rêve-médecine : « Mon fils, je serai ton gardien et je te donnerai un pouvoir spécial. Même si tu n’es pas un chaman ou un guérisseur, tu auras le pouvoir de faire le bien. Je te porterai chance, mais tu devras me respecter sous ma forme terrestre et ne jamais me tuer. À présent, je vais me glisser dans ton corps ». Selon ce rêve-médecine, mon grand-père croyait qu’il y avait un ours à l’intérieur de son corps. Il ressentait sa présence dans son dos ou sa hanche.

      Norval Morrisseau, Legends of My People: The Great Ojibway, 1965, p. 45.

      Morrisseau peint le géant ours sacré plus tard dans sa carrière. Comme il vit sur la côte ouest, l’ours blanc se niche dans les montagnes. Sous l’ours et les montagnes, une famille participe à une cérémonie dans une tente, entourée d’ancêtres.  

      Norval Morrisseau, Grandfather Tells of Giant Bear, 1992.

      Photo prise lors d’une exposition à la Pollock Gallery en octobre 1963. Morrisseau et sa famille, dont Harriet, Victoria et leur bébé Eugène, sont arrivés à la galerie et ont contribué à dynamiser les ventes de ses œuvres. La photo a été prise en 1963 par un photographe du Globe and Mail, mais elle ne paraît dans le journal que le 27 janvier 1965, dans le cadre d’un article sur l’art de Morrisseau écrit par la critique d’art du quotidien, Kay Kritzwiser. Celle-ci, en tentant de décrire l’artiste, finit par le dénigrer : « Le pouvoir de Morrisseau de relier le monde de ses ancêtres au monde moderne en conflit avec le premier laisse le jeune peintre perplexe. »

      Norval Morrisseau, Artist's Wife and Daughter, 1975.

      Morrisseau a peint ce portrait de sa femme Harriet et de leur petite fille pour accompagner un autoportrait en chaman.

      Norval Morrisseau, Untitled (Portrait of the Artist’s Daughter, Victoria), 1965.
       

      L’aînée de Norval et Harriet, leur fille Victoria, a fait l’objet de plusieurs tableaux et de dessins par Morrisseau. 

      Norval Morrisseau, Artist's Three Sons, 1975.

      Norval Morrisseau, Pikangikum Woman, c. 1972.

      Les citadins étaient captivés par les motifs riches et colorés des femmes de Pikangikum dans les années 1940 et 1950. Les femmes confectionnaient leurs vêtements grâce aux savoirs traditionnels transmis par leurs ancêtres. 

      Fred Suggashie, un artiste membre de la Première Nation de Pikangikum et du Sturgeon Clan (Clan de l’esturgeon).

      La maternité et la famille constituent des thèmes récurrents dans les œuvres de Morrisseau. La Première Nation de Pikangikum se trouve à l’extrême ouest du nord-ouest de l’Ontario, à environ 100 km au nord de Red Lake. L’artiste a peint plusieurs versions de sa femme originaire de Pikangikum.

      Extrait de Copper Thunderbird: The Art of Norval Morrisseau, 2012, p. 58.

      Morrisseau souligne à maintes reprises l’importance de la maternité dans son art. Cette œuvre, réalisée dans les années 1990, illustre de puissants liens qui trouvent écho dans l’humanité tout entière et au-delà de celle-ci. 

      Norval Morrisseau, In Honor of Native Motherhood, 1990.
       

      Norval Morrisseau, Shaman and Family, 1981.
       

      Morrisseau a souvent peint sa famille, comme en témoigne cette œuvre riche en couleurs datant de 1980. 

        Norval Morrisseau, Human Mother and Bear Man Offspring, c. 1970.

        Morrisseau dessine et peint souvent une mère allaitant un ourson et un enfant. Sa conception originale d'une peinture murale choisie pour l'un des murs extérieurs du pavillon des Indiens du Canada pour l'Expo 67 à Montréal, au Québec, comprenait une image similaire à celle-ci. L'image d'Expo 67 a toutefois été censurée par les autorités gouvernementales, et c'est finalement l'artiste cri Carl Ray qui a réalisé la peinture murale modifiée du pavillon, modifiant le dessin original en détournant le garçon et l'ourson de la poitrine de leur mère. Dans sa conception finale, la dédicace « In Honour To My Grandfather Potan Nanakonagos And To Our Ancestors » (En l'honneur de mon grand-père Potan Nanakonagos et de nos ancêtres), signée de la signature syllabique de Morrisseau, Copper Thunderbird (Oiseau-tonnerre en cuivre), a été maintenue afin de reconnaître l'importance des histoires intergénérationnelles dans l'art de Morrisseau.

         

         

        Saul Williams évoque le lien qui se crée lorsque tout ce qui permet de nourrir et d'habiller un enfant provient de la terre.

        À l'époque, il n'y avait pas de magasin, pas d'endroit où acheter du lait maternisé, pas d'endroit où acheter des couches pour bébés. Tout venait de la terre et c'est ce qui se passe ici. La mère élève son enfant avec son sein... L'enfant devient plus fort grâce au lait naturel.

         

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